INTERROGATIONS SUR LA MÉTHODE DION NGUTE
Si son background de diplomate a contribué à lui faire engranger quelques faits d’armes, la cohabitation au sein de l’exécutif avec le secrétariat général de la présidence semble le déposséder d’une part considérable de sa substance

Trois ans après sa nomination au poste de Premier ministre, Joseph Dion Ngute continue d’Imprimer ses marques depuis le troisième étage de l’Immeuble étoile. Si le background de diplomate dont jouit le chef du gouvernement camerounais a fortement contribué à lui faire engranger quelques faits d’armes, la cohabitation au sein de l’exécutif avec le secrétariat général de la présidence de la République semble le déposséder d’une part considérable de sa substance, alors que l’expectation d’une redéfinition de l’échiquier gouvernemental continue d’animer les conversations dans les salons feutrés de Yaoundé.
Vendredi 4 octobre 2019. Une centaine de personnalités se faufilent habilement dans les allées bondées du palais des congrès de Yaoundé. Le grand dialogue national vient de s’achever, et chacun veut se faire une place sur la photo de famille qui rentrera dans l’histoire. Au premier rang, on distingue des dignitaires de la République tels que l’ancien premier ministre Peter Mafany Musongue, le leader du SDF Ni John Fru Ndi ou encore le lamido Aboubakary Abdoulaye. Les objectifs des caméras crépitent devant l’impressionnant parterre d’invités. Mais une seule personne, au centre, retient toutes les attentions : il s’agit du premier ministre camerounais, qui vient de tenir le pari d’organiser avec succès cette grand-messe de l’univers socio-politique camerounais. Les semaines qui suivent, l’Opinion se prend en admiration devant ce juriste de 67 ans qui jouit d’une virginité politique du fait d’une longue carrière administrative passée à l’abri des feux des projecteurs. Sur les réseaux sociaux, un hashtag #DionNgutePresident apparait furtivement, avant de s’évaporer aussitôt.
Le nouveau premier ministre vit une année de grâce. Après sa nomination le 4 janvier 2019, le natif de Bongong Barombi dans la région du Sud-Ouest s’est immédiatement attelé à la mission première que lui avait confiée le chef de l’Etat, à savoir la résolution de la crise anglophone. Sur ce front, il semble avoir une certaine liberté d’action, et en profite pour donner le ton. Cinq mois après sa nomination, il entame une série de descente dans les régions en crise et relance un dialogue politique qui semblait jusque-là bloqué. L’espoir renait.
En marge du grand dialogue national, Dion Ngute apporte un nouveau vent de décrispation politique en recevant des cadres du Mouvement de la renaissance du Cameroun (MRC), prenant à contre-pied l’aile dure de Yaoundé qui souhaitait reléguer ce parti au ban de la sphère politique. Et malgré l’incarcération de Maurice Kamto et de certains de ses proches, les propositions de sa formation politique ont été examinées par le cabinet du PM. Les efforts de Dion Ngute sont salués. Ils n’ont certes pas mis un terme à la crise, mais l’ensemble des indicateurs montrent une baisse d’Intensité sur le théâtre des opérations.