LA COMMISSION POUR LE BILINGUISME VOUÉE À L'ÉCHEC ?
Créée en grande pompe en 2017 et présentée comme une solution à la crise socio-politique qui secoue le Cameroun, la commission « Musongue » peine à rassembler un pays profondément divisé

D’un pas lent, Peter Mafany Musongue traverse les allées du Palais des congrès de Yaoundé. Ce 21 janvier, l’ancien Premier ministre camerounais y est attendu par les 14 autres membres de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM), institution qu’il dirige depuis sa création en 2017.
Alors qu’il s’installe dans la salle de réunion « A », où se déroulent les travaux de la session semestrielle, Mafany Musongue sait que les attentes des Camerounais vis-à-vis de la Commission sont nombreuses. D’autant plus que, pour la seule année 2021, son budget s’élève à environ 3 milliards de francs CFA (4,5 millions d’euros) – nn budget conséquent dans un contexte de crise, dans lequel les ressources se font rares. L’adoption de cette enveloppe constitue d’ailleurs le principal point à l’ordre du jour.
« Ce budget nous permettra d’exécuter nos trois principaux programmes, explique Mafany Musongue dans une brève adresse aux médias, à l’issue de la session. Le programme du bilinguisme, qui doit être étendu ou mis en œuvre sur l’ensemble du territoire national, le programme sur le multiculturalisme et le vivre-ensemble et, enfin, celui sur la gouvernance et l’appui institutionnel. »
« Pas d’effets sur le terrain »
Un plan d’action qui doit permettre de donner un coup d’accélérateur aux activités sur le terrain et de faire taire les critiques. Au sein de l’opinion, des voix dénoncent en effet l’attentisme de cet organisme, alors que le climat social se délite au fil des jours. La présidentielle de 2018 a achevé de creuser les failles ouvertes par la crise anglophone dès 2016.
Peter Mafany Musongue reconnait lui-même une recrudescence des “stigmatisations intra-communautaires”. « Dans le champ politique, des expressions effrayantes comme “suprémacistes” ou “ethno-fascistes” sont utilisées pour étiqueter certaines personnes ou certains groupes […]. Sur le plan économique, une rhétorique odieuse est dirigée contre certaines tribus que l’on peint en noir en les qualifiant de ‘voleurs de terrains’ et ‘d’envahisseurs’. Ce phénomène inquiétant peut conduire à des actes de violence incontrôlables », indiquait-il dans une tribune à la fin de 2020.
Présentée il y a trois ans comme la solution à ces divisions, la Commission du bilinguisme et du multiculturalisme peine à enrayer un cycle qui plonge le pays dans un climat d’anxiété et où la violence est une possibilité permanente. « On ne ressent pas les effets de cette commission sur le terrain, affirme ainsi Peter O., un habitant de Yaoundé. Depuis que ses membres sont installés, les discours de haine entre les communautés se sont amplifiés. Même la crise anglophone, qui est pourtant à l’origine de sa création, est toujours en cours. »